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En attendant les cultures d'OGM en Europe

Les deux dernières années ont conduit à une situation de blocage en France, aussi bien pour la culture des OGM que des expérimentations aux champs.

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En Europe, les agriculteurs vont avoir deux challenges très importants à relever dans les années à venir, gagner en compétitivité et réduire de façon très significative, l'utilisation des produits phytos. « La culture des OGM leur permettrait de répondre à ces deux défis en même temps, estiment les semenciers réunis en septembre dernier à l'AG de Seproma, le syndicat des semenciers maïs intégré depuis à l'UFS, Union française des semenciers. Malheureusement, en France, le dossier est au point mort. La France et l'Europe se privent des innovations technologiques dont le reste du monde bénéficie. »

Les surfaces dans le monde grimpent

Dans les autres pays, les surfaces cultivées avec des variétés OGM continuent de grimper. Elles sont passées de 114,3 Mha en 2007, à 125 Mha en 2008, selon l'ISAAA (International Service for the Acquisition of Agri-Biotech Applications), soit une progression de 9,4 % et devraient, semble t-il, atteindre la barre des 130 Mha en 2009. Aujourd'hui, les OGM sont cultivés dans 25 pays dans le monde, en tête desquels les Etats-Unis avec 50 % des surfaces, l'Argentine (17 %), le Brésil (13 %), l'Inde, le Canada (chacun 6 %) et la Chine (3 %).

C'est le soja qui arrive en tête des surfaces implantées avec des OGM dans le monde, avec 65,8 Mha (53 %), suivi par le maïs, avec 37,3 Mha (30 %), le coton avec 15,5 Mha (12 %) et le colza avec 5,9 Mha (5 %). Le caractère qui intéresse le plus les agriculteurs est la résistance aux herbicides, avec 63 % des surfaces OGM sur la planète, devant les résistances aux insectes.

C'est aux Etats-Unis que le taux de pénétration des OGM est le plus important. En 2009, 85 % des surfaces de maïs étaient cultivées avec des hybrides OGM et 90 % des surfaces ensemencées en betteraves étaient des variétés résistantes au Roundup, trois ans seulement après leur lancement.

Le nombre d'espèces concernées s'accroît aussi chaque année. Il a franchi une étape cruciale, aujourd'hui, avec une volonté clairement affichée d'équipes impliquées dans les OGM, et en particulier de Monsanto, d'élargir le concept au blé.

Le moratoire de 2008

Pendant ce temps, en France, le moratoire décrété par le président Nicolas Sarkozy au printemps 2008, a donné un coup d'arrêt à la culture des OGM.

Ses deux premières années de présidence ressemblent à une sorte de rendez-vous raté pour les OGM. « Pendant la campagne 2007, en dépit de la pression des ONG, Nicolas Sarkozy était le seul candidat à ne pas se prononcer en faveur d'un moratoire sur les OGM, analyse la société d'étude Interel stratégie et Public Affairs qui vient de publier l'étude "OGM : La France a-t-elle renoncé ?" Dans tous les domaines, le nouveau président revendiquait des choix politiquement incorrects comme le signe d'une modernité courageuse et nécessaire. Il aurait pu inaugurer une gestion pragmatique du dossier OGM. »

Le contexte politique difficile, les négociations du Grenelle, la pression des ONG le pousseront à en décider autrement.

« Un cap supplémentaire de blocage a été franchi cette année, avec l'interdiction de tout essai, regrette Claude Grand de RAGT, vice-président de Seproma chargé des obtentions. En 1997, plus de 200 essais de recherche avaient été implantés avec des OGM en France, ils étaient descendus à 39 en 2007, à 7 en 2008 et aucun en 2009. C'est inacceptable. » « Avec la destruction tout récemment de l'essai vigne OGM en Alsace, la France fait même marche arrière », déplore Maddy Cambolive de Pioneer au nom de Seproma. Pour elle, du côté de la réglementation, les principales décisions restent en attente, qu'il s'agisse de l'étiquetage « sans OGM », des règles de coexistence OGM-non OGM, des dossiers de demande d'expérimentation… « En Europe, les autorisations de mise en culture sont bloquées depuis dix ans. La question de la présence fortuite d'OGM l'est aussi, depuis bientôt dix ans », explique-t-elle.

Deux éléments positifs

Récemment, encore, les vingt sept ministres européens de l'Agriculture n'ont pas réussi à s'entendre sur un projet d'autorisation d'importation de trois variétés de maïs OGM et ont refusé d'endosser ce projet, laissant à la Commission européenne la responsabilité d'en décider seule.

Depuis la mise en place du moratoire, une loi sur les OGM a été adoptée le 22 mai 2008, et un Haut conseil aux biotechnologies instauré par décret le 3 mai 2009. Ces deux décisions permettront-elles à la France de sortir de l'impasse ? Les semenciers craignent que les discussions s'attardent. Les premières recommandations du Comité économique éthique et social du Haut conseil viennent cependant d'être présentées, avec par exemple la fixation d'un seuil de 0,1 % pour les cultures non OGM, mais ce ne sont que des recommandations. Seproma note, également, un autre élément positif ces derniers mois en faveur des OGM, celui de l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 juin 2009, qui annule les décisions du ministère de l'Agriculture prises depuis 1999 de ne pas inscrire de variétés de maïs OGM.

Trouver de nouveaux points d'ancrage

Les semenciers cherchent de nouveaux moyens pour reprendre la main sur ce dossier. « Notre discours et nos actions doivent évoluer, suggère Maddy Cambolive. Nous devons développer un discours sur le sens de nos activités industrielles, expliquer en quoi nous apportons des solutions. Les études n'aident pas à changer la donne, il faut se positionner sur le terrain public, celui de la responsabilité. Il faut justifier d'une activité "durable". Nous devons passer d'une posture de "producteurs de risques" à celle d'un acteur utile et même indispensable, tout en prenant en compte les craintes locales, régionales, nationales. » Un groupe de travail a pour cela été créé au sein de Seproma.

La nouvelle Association française des biotechnologies végétales, AFBV, présidée par Marc Fellous, professeur de génétique humaine et ancien président de la CGB, vient également de voir le jour. C'est la première ONG en France de défense des OGM végétaux. Une de ses premières actions a été de demander à la Commission Juppé-Rocard d'inscrire les biotechnologies vertes, dont la transgénèse est l'une des principales applications, dans les dossiers qui bénéficieront du grand emprunt national. Pour Interel, plus de douze ans après l'autorisation des premiers OGM en Europe, « une gestion rationnelle et cohérente » du dossier reste à trouver.

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